Emmanuelle Wargon : « La rénovation énergétique est au coeur du projet de loi Climat et résilience »
Réalisation de travaux de rénovation par des entreprises sans label RGE, création d'un Accompagnateur Rénov', nouvelles mesures qui complèteront MaPrimeRenov'... la ministre déléguée chargée du Logement revient sur les nouveaux dispositifs prévus dans la loi Climat et résilience.

Interview réalisée en juin 2020 dans Artisans Mag’

Combien de ménages ont bénéficié du dispositif MaPrimeRénov depuis sa création, le 1er janvier 2020 ?

Emmanuelle Wargon : Depuis sa création, près de 300 000 dossiers MaPrimeRénov’ ont été acceptés et les demandes continuent d’augmenter. Des chantiers sont en cours partout en France et les primes sont versées chaque jour quand les travaux se terminent.

Pourquoi avoir décidé d’ouvrir ce dispositif à tous les ménages, y compris aux bailleurs et aux copropriétés ?

Nous défendons une écologie qui accompagne chacun dans la transition. Quels que soient les revenus d’un ménage, le logement qu’il occupe peut toujours améliorer son impact sur l’environnement et nous devons l’aider à sauter le pas de la rénovation.

Bien entendu, MaPrimeRénov’ est calculée en fonction du profil de chaque demandeur et est plus conséquente pour les ménages modestes. L’extension aux copropriétés va permettre de rénover beaucoup de logements occupés par des locataires. Ils pourront donc, eux aussi, bénéficier des aides à la rénovation énergétique.

Depuis le 1er janvier 2021, des entreprises sans label RGE peuvent réaliser des travaux de rénovation. Pourquoi avoir décidé d’assouplir cette règle ?

La qualification RGE chantier par chantier est une expérimentation qui s’inscrit dans la mise en oeuvre du plan France Relance, elle est prévue pour une durée de deux ans à compter du 1er janvier 2021. Cette expérimentation ouvre la possibilité pour une entreprise ne détenant pas la mention RGE sur le domaine de travaux concerné d’effectuer des travaux de rénovation énergétique ou d’installation d’équipements éligibles aux aides de l’État.

Il s’agit d’un assouplissement dans l’accès au RGE, qui permet aux entreprises de mettre le pied à l’étrier. Mais cela n’est pas un assouplissement en termes de qualité : un artisan qui choisit la qualification RGE par chantier a un audit systématique à la fin des travaux. Les objectifs poursuivis par cette expérimentation sont de simplifier l’accès aux travaux de rénovation énergétique bénéficiant d’aides pour les artisans éloignés de la qualification RGE, et d’accompagner à terme ces entreprises vers la qualification RGE. Ouvrir cette possibilité, c’est s’assurer que les Français auront accès à un vivier plus large d’artisans, qu’il profitera à un maximum d’entreprises et qu’il permet de former de nouvelles entreprises pour les années à venir.

À quelles obligations sont soumis les artisans qui souhaitent se lancer sur le marché de la rénovation énergétique ?

Les artisans doivent justifier de deux années d’ancienneté et ils ne peuvent demander une qualification que pour au maximum trois chantiers. Pour chaque chantier, l’entreprise formule une demande auprès des organismes de qualification ayant une convention avec l’État (Qualibat, Qualit’EnR, Qualifelec). Ces derniers vérifient la recevabilité des dossiers des entreprises et organisent un contrôle sur site des travaux. Chaque réalisation des travaux est contrôlée par un audit de chantier systématique.

Quels sont les principaux objectifs du projet de Loi Climat et Résilience ?

Le projet de loi Climat et résilience, c’est l’écologie du concret, celle qui entre dans le quotidien des Français et qui les accompagne dans la transition. La rénovation énergétique est au coeur de ce projet de loi, avec de nouvelles mesures qui compléteront MaPrimeRenov’. Elles insisteront sur le rôle fondamental de l’accompagnement des ménages pour des rénovations ambitieuses et de qualité.

Ce projet de loi prévoit la création d’un Accompagnateur Rénov’, de quoi s’agit-il ?

Le gouvernement cherche à développer l’accompagnement des ménages dans les démarches à entreprendre pour bénéficier des aides à la rénovation énergétique, la conduite des travaux. De nombreux acteurs pourront réaliser cet accompagnement s’ils présentent des garanties de compétences et de neutralité suffisantes, qu’il s’agisse d’architectes, d’acteurs de l’énergie, d’associations de lutte contre la précarité ou même d’entreprises de travaux.

Pourquoi avoir proposé la création de ce nouvel acteur ?

Nous aidons les Français financièrement à s’engager dans la rénovation énergétique, mais nous devons également les accompagner dans les démarches à suivre pour bénéficier des aides, dans la gestion financière de leurs travaux… Autant de missions que devra remplir ce nouvel accompagnateur.

Quel sera le coût de cet accompagnement ? Comment sera-t-il financé ?

La définition des termes exacts de l’accompagnement est en cours et fera l’objet d’une concertation. Le mode de financement, auquel les certificats d’économie d’énergie pourront contribuer, est encore en discussion.

En quoi le rôle de cet Accompagnateur Rénov’ se distingue-t-il de celui des architectes, qui sont nombreux à avoir été formés grâce au dispositif « FAIRE » et à être qualifiés pour suivre des travaux de rénovation ?

Le rôle des architectes dans l’accompagnement des rénovations énergétiques est reconnu de tous. Ils pourront intégrer ce nouveau dispositif d’accompagnement, selon des conditions qui sont encore à définir.

Les professionnels du bâtiment craignent que cette nouvelle loi encourage l’accumulation de rénovations par gestes, moins qualitatives et efficaces que des rénovations au global, qu’en pensez-vous ?

L’enjeu de l’accompagnement mis en place par la loi est double : massifier la réalisation de travaux de rénovation énergétique et augmenter la performance de ces travaux. Pour cela, il faut prendre appui sur le maximum de compétences et d’acteurs, publics, associatifs et privés, pour que la massification se fasse avec un accompagnement qui sécurise la qualité des travaux et qui encourage à la réalisation de rénovations performantes.

Que répondez-vous aux artisans du bâtiment qui, selon le président de la Capeb, craignent d’être transformés en « sous-traitants ou en simples poseurs » ?

Je veux les rassurer ! L’idée n’est pas de leur retirer le rôle qu’ils ont aujourd’hui, mais de le compléter sur la partie administrative et financière de la conduite des projets. Beaucoup de Français s’engagent dans la rénovation énergétique, mais pour certains les démarches à entreprendre peuvent encore être un frein que nous voulons lever.

Quels opérateurs assureront le rôle d’Accompagnateur Rénov’ ?

De nombreux acteurs pourront réaliser cet accompagnement s’ils présentent des garanties de compétences et de neutralité suffisantes, qu’il s’agisse d’architectes, d’acteurs de l’énergie, d’associations de lutte contre la précarité ou même d’entreprises de travaux.

Ces Accompagnateurs Rénov’ vont-ils empiéter sur les missions des maîtres d’oeuvre et des entreprises ?

La définition des termes de l’accompagnement est en cours et une concertation large des parties prenantes sera mise en place pour établir la liste des opérateurs qui pourront réaliser cet accompagnement.

Comment les artisans pourront-ils se faire connaître des Accompagnateurs Rénov’ ?

Tous les artisans certifiés RGE (Reconnu garant pour l’environnement) sont d’ores et déjà référencés sur la plateforme FAIRE du service public de la rénovation. L’accompagnement de la rénovation pourra donc utiliser ces données disponibles en ligne et réutilisables dans d’autres logiciels grâce à un API (interface de programmation).

La Capeb a récemment émis des réserves sur ce dispositif et souhaite que soient mis en place des facilitateurs pour accompagner les professionnels dans le traitement de leur dossier de qualification RGE ou de demandes de CEE et/ou MaPrimeRénov’, qu’en est-il ?

Cette question n’est pas directement liée à l’accompagnement des ménages, elle fait l’objet d’un travail séparé et la Capeb a indiqué être encore en train d’élaborer des propositions pour cet accompagnement des professionnels.

Combien d’Accompagnateurs Rénov’ seront déployés ?

La définition des termes de l’accompagnement est en cours, il n’y a pas d’évaluation à ce jour du nombre d’entreprises ou d’entités qui rempliront cette mission : ce qui est certain c’est que c’est un marché d’avenir. Le gouvernement souhaite qu’un maximum d’acteurs puisse le réaliser pour massifier les rénovations performantes, tout en assurant qu’ils présentent les garanties suffisantes en termes de compétences et de neutralité.

Le « prêt avance mutation », créé par la loi de transition énergétique de 2015, n’a jamais été distribué, pourquoi ?

Le « prêt avance mutation » n’a pas rencontré un grand succès car peu de banques souhaitaient le commercialiser. Le travail décisif de la mission d’Olivier Sichel a été de proposer une voie de mobilisation des banques autour de ce prêt, en suggérant d’y apporter une garantie publique. C’est ce que nous faisons à l’article 43 du projet de loi Climat et résilience en mettant à profit le FGRE (Fonds de garantie pour la rénovation énergétique).

En quoi ces prêts peuvent-ils avoir une incidence sur le développement des travaux de rénovation énergétique ?

L’incidence certaine sera de favoriser l’accès à la rénovation énergétique de tous les ménages, y compris ceux qui ne peuvent pas avancer le coût des travaux.

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