Thierry Lebufnoir (Auberlet & Laurent): « Un apprentissage chez nous, c’est une carte de visite »
Cette entreprise de staff, qui vend et réalise sur mesure corniches, moulures et décors de plâtre est fondée en 1873. Thierry Lebufnoir, son dirigeant, a pris la suite de son père et travaille désormais avec ses fils et son épouse. L'histoire d'un succès familial appuyé sur la tradition.

Depuis quand existe Auberlet & Laurent ?

Thierry Lebufnoir : L’entreprise existe depuis plus d’un siècle. Depuis le début du XXe, Auberlet et Laurent, des sculpteurs ornemanistes, avaient créé un catalogue d’éléments de décoration qu’ils vendaient aux confrères (plâtriers…). Les entreprises de staff ont été florissantes jusqu’à avant-guerre. Elles ont subi un coup d’arrêt dans les années cinquante avec l’abandon de la décoration, telle qu’on la concevait au XIXe. L’entreprise Auberlet & Laurent a, de plus, été contrainte de déménager en raison de la construction du périphérique parisien.

Ce qui a été épouvantable, c’est que l’entreprise a détruit une bonne partie de la collection. C’est une véritable perte de patrimoine décoratif. Heureusement, le catalogue est toujours là et se développe de plus en plus. Nous profitons de certaines demandes pour enrichir notre collection de 5 000 modèles. Notre showroom est un petit musée, c’est le patrimoine de l’entreprise qui nous sert au quotidien pour créer des corniches ou des rosaces.

Quand la famille Lebufnoir est-elle entrée dans l’entreprise ?

Mon père est arrivé en 1961 comme artisan. Il avait fait les Arts appliqués, ce qui a apporté du dynamisme à l’entreprise. Dans les années soixante-dix, mes parents ont relancé le catalogue et la technique du carton-pierre, qui décoraient les plafonds, et ils se sont lancés dans la fabrication d’ornements en résine. Je suis entré dans l’entreprise en 1982 après une formation d’économiste dans le bâtiment, et je me suis formé sur le tas avec mes parents. Mon père travaillait énormément au Moyen-Orient, à travers des grandes maisons de déco comme Mercier frères.

Quand je suis arrivé, l’entreprise était axée uniquement sur la vente. J’ai relancé la partie pose et installation, en reconstituant des équipes de pose. J’ai eu l’occasion d’apprendre mon métier avec mon père et ma mère, la « Madame Thatcher du staff », qui m’a apporté la confiance dans l’administratif. Aujourd’hui, j’assure la gestion de l’entreprise. La vie quotidienne du chef d’entreprise, c’est de lire les petites lignes en bas des contrats !

Vous conservez tout de même un important volet artistique dans votre travail ?

La partie création artistique prend toute mon énergie. S’il n’y a plus ça, il n’y a plus rien. Si vous n’êtes pas sensible aux volumes, à l’esthétique, vous ne pouvez pas faire ce métier. Il faut aimer et comprendre la décoration, l’art, l’architecture et être ouvert. J’ai toujours été curieux et je me suis spécialisé petit à petit en lisant, en me cultivant, en visitant des châteaux. Je connais Versailles comme ma poche !

Il y a eu un grand virage dans l’entreprise en 2005, lorsque nous avons commencé à réaliser un chantier de plafond à Paris, que nous avons entièrement créé, des plans à la réalisation. J’ai évolué grâce à ce chantier, en m’enrichissant de tout un tas de nouvelles connaissances. Les chantiers exceptionnels se sont ensuite enchaînés : la restauration de l’Hôtel Lambert sur l’île-Saint-Louis, la création d’un petit salon chinois pour un client Bahreïni, le limon et la paillasse d’un escalier à refaire en Suisse, tout a été pensé, créé et décoré chez nous.

Quelles sont les activités de l’entreprise aujourd’hui ?

Nous avons deux secteurs d’activité. La vente directe aux particuliers, aux décorateurs, aux architectes et aux entreprises générales du bâtiment représente la moitié de notre activité. L’autre moitié, ce sont des chantiers sur lesquels nous intervenons, en direct avec des particuliers ou par l’intermédiaire d’architectes et de décorateurs d’intérieur.

Nous nous sommes spécialisés dans la décoration, c’est un métier de niche qui est très particulier. Notre rôle de conseil auprès de nos partenaires architectes et décorateurs se développe de plus en plus et le bureau d’études a pris encore plus d’importance qu’auparavant.

Pourquoi cette dimension conseil se développe-t-elle ?

Nous avons beaucoup de jeunes architectes ou de décorateurs qui viennent nous voir en nous demandant de les aider. Ils avouent ne pas connaître le métier du staff. La place du bureau d’études intervient dans toutes les étapes, du dessin en passant par la sculpture, jusqu’à la pose. On vient aussi nous voir pour des projets sur mesure. Les clients veulent faire des choses exceptionnelles, uniques, qui font l’objet d’une commande spéciale.

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