Pourquoi certaines PME ont des comptes dans plusieurs banques ?
Votre grand-mère vous a sûrement déjà dit que vous ne devriez pas mettre tous vos oeufs dans le même panier. Ce conseil vaut pour votre épargne personnelle, bien sûr, mais aussi pour la trésorerie de votre entreprise. En matière de relation bancaire, il est périlleux de n'avoir qu'une seule banque.

Ce n’est un secret pour personne : une PME ne dispose ni de la notoriété des grandes entreprises, ni de données accessibles publiquement. Quand une banque noue une relation avec une PME, la banque doit faire des efforts importants pour collecter et analyser les informations financières de l’entreprise – qui sont de nature privée. Si la relation est rompue, les banques concurrentes, faute d’informations publiques, peuvent interpréter cette rupture comme le signal de difficultés économiques que la banque historique ne souhaite pas ou plus assumer.

N’allez pas non plus croire que le fait d’avoir une seule banque vous donne droit à de meilleurs tarifs. C’est souvent l’inverse qui se produit, hélas. Une relation bancaire exclusive se traduit généralement par un coût du capital ou des frais bancaires plus élevés qu’en situation de concurrence.

Immunisez-vous contre la valse des banquiers

Nouer une relation avec plusieurs banques vous permet également de vous prémunir contre les changements de cap de votre banque et la rotation de ses chargés d’affaires : vos conditions tarifaires peuvent être remises en cause du jour au lendemain car elles sont généralement négociées entre votre entreprise et votre chargé d’affaires – et non entre vous et votre banque au sens large. Même si vous avez l’impression d’avoir bien négocié vos tarifs avec votre chargé d’affaires actuel, dites-vous que ce dernier peut être remplacé sans préavis, et que rien n’oblige le chargé d’affaires qui lui succède à vous accorder les mêmes faveurs. C’est ainsi qu’une simple autorisation de découvert peut être remise en question de façon unilatérale par un nouveau chargé d’affaires. Mieux vaut donc avoir une solution de repli qui vous évite de mettre en péril la trésorerie de votre société. Le délai de dénonciation du découvert (60 jours) est en général un peu court pour vous laisser le temps d’aller voir ailleurs.

Multipliez vos chances d’obtenir un crédit

Enfin, le fait de n’avoir qu’une seule banque pour votre entreprise pèse sur le montant maximal que vous pouvez emprunter. Paradoxalement, vous n’aurez sans doute pas trop de mal à emprunter un total de 400 000 € auprès de 2 ou 3 banques ; quand en revanche, vous aurez peut-être du mal à emprunter 300 000 € auprès d’une seule banque. Gardez en tête que les banques aussi suivent le conseil de votre grand-mère : elles n’aiment pas mettre tous les oeufs dans le même panier, elles préfèrent prêter de plus petites sommes à plusieurs entreprises qu’une grosse somme à une seule entreprise. Question de gestion des risques.

Jouez sur plusieurs tableaux

À partir de quand devriez-vous avoir deux, trois ou quatre banques ? Il n’y a pas de règle immuable, mais il est possible d’émettre quelques recommandations. Le choix du nombre de banques est corrélé au chiffre d’affaires de votre entreprise, qui n’est autre que le reflet de son niveau de structuration, son développement commercial et donc ses besoins en financement et en services bancaires. À partir d’un ou deux millions d’euros de chiffre d’affaires annuel, vous gagneriez à parler à une seconde banque, car c’est aussi le seuil à partir duquel votre PME pourrait avoir des besoins de financements de trésorerie ou d’investissement.

A l’approche des cinq millions de chiffre d’affaires, vous gagneriez à avoir un troisième partenaire bancaire, car ce cap s’accompagne d’un besoin plus diversifié en matière de produits et services bancaires – tels que le besoin de devises lors de l’internationalisation de l’activité, ou encore le recours à un pool bancaire pour le financement de projets conséquents.

Misez sur la complémentarité des services

La multiplication des banques ne rime pas forcément avec une dilution de la qualité du conseil et de l’accompagnement. Si vous avez deux banques, ne confiez pas 50 % de vos flux à l’une et les 50 % restants à l’autre. Conservez une banque principale et organisez vos flux de façon inégalitaire : dirigez 60 % de vos flux vers une banque et 40 % vers l’autre. Votre banque principale sera alors aux petits soins pour vous, pendant que votre seconde fera tout pour devenir votre banque principale. Ainsi la qualité du conseil ne pâtira aucunement de cette situation. Dans une relation tripartite, il est judicieux d’avoir deux banques principales (40 % des flux pour chacune des banques) et une banque secondaire (20 % des flux).

De manière générale, pour sélectionner une nouvelle banque et tirer parti de chacune d’entre elles, il faut jouer sur la complémentarité des services, des compétences ou des tarifs. Mais s’il y a bien un élément qui peut faire la différence, c’est le chargé d’affaires lui-même. Dans bien des cas, une entreprise souscrit auprès d’une nouvelle banque parce que le chargé d’affaires et son niveau de conseil lui ont été recommandés. Paradoxalement, le chargé d’affaires est souvent la cause de départ d’une entreprise ou d’entrée en relation.

Plus de banques mais pas plus de problèmes

Qui dit plusieurs comptes dans plusieurs banques ne dit pas forcément plus de problèmes bancaires, ou plus de temps passé à gérer vos différents comptes. Au contraire, avoir plusieurs banques vous permettra de mieux organiser vos flux, en distinguant par exemple vos encaissements de vos décaissements, ou votre siège de vos filiales, et ainsi de suite. Et si vous tenez à garder une vue d’ensemble sur vos multiples comptes, les agrégateurs de comptes et les logiciels de comptabilité ont le mérite de simplifier le suivi de trésorerie en vous permettant de suivre tous vos comptes au même endroit.

Tout comme un entrepreneur avisé évite de dépendre d’un seul fournisseur, suivez le conseil des anciens et tâchez de ne pas dépendre d’un seul et unique partenaire bancaire. Avoir plusieurs banques, c’est aussi avoir plusieurs interlocuteurs vers lesquels se tourner en cas de besoins urgents.

Pour en savoir plus

Jean-Daniel Guyot, cofondateur et président du directoire de Memo Bank.

Commentaires

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *