Thierry Lebufnoir (Auberlet & Laurent): « Un apprentissage chez nous, c’est une carte de visite »
En quoi votre métier est-il spécifique ? Notre rôle est de créer des décors dans les bonnes proportions, les bons volumes. Par exemple, il s’agit de faire d’un appartement haussmannien où il n’y a plus rien un appartement dans lequel on a l’impression que tout a toujours été là, sans mélanger le style Louis XV […]

En quoi votre métier est-il spécifique ?

Notre rôle est de créer des décors dans les bonnes proportions, les bons volumes. Par exemple, il s’agit de faire d’un appartement haussmannien où il n’y a plus rien un appartement dans lequel on a l’impression que tout a toujours été là, sans mélanger le style Louis XV et Louis XVI. Notre métier mêle esthétique et technique. Car on ne peut pas faire n’importe quoi avec les styles et les volumes, il y a des règles d’architecture à respecter. Les notions techniques pour la répartition des charges et des forces sont tout aussi importantes que l’esthétique.

C’est d’ailleurs pour des questions de résistance qu’au moins 80 % de nos réalisations sont en staff. Le staff, c’est du plâtre, de l’eau, de la fibre végétale et débrouillez-vous ! À aucun moment, il ne faut se tromper, depuis l’ouverture du sac de plâtre à modeler, dont chacun à sa spécificité et son utilisation propre, jusqu’à la pose. Tout ce qui n’est pas démoulable en staff, parce que trop fin, on le fait en résine. À hauteur d’homme, la résine résiste mieux que le staff, mais elle a un coût plus élevé.

Comment préparez-vous la relève ?

Depuis toujours, le recrutement est l’un des points fondamentaux du métier. Nous n’arrivons pas à intéresser des jeunes et à les amener à notre profession. Il y a toute une tranche de salariés qui sont partis en retraite il y a trois ou quatre ans et qui n’ont pas été remplacés. Trouver des staffeurs aujourd’hui sur la place de Paris est compliqué. Les métiers manuels ont été un peu délaissés, mais aujourd’hui, nous sommes en train de rebondir. Beaucoup de jeunes diplômés de l’enseignement supérieur demandent à repasser des CAP, dans le cadre de reconversion. C’est la raison pour laquelle nous avons créé un centre de formation en interne, limité à trois apprenants par an, qui permettra d’obtenir une certification de staffeur fabricant Auberlet & Laurent, qui devrait être reconnue par l’État.

Nous avons déjà formé beaucoup de compagnons aux exigences de l’entreprise. Un apprentissage chez nous, c’est une carte de visite. Le but de cette certification est de s’adresser à un public en reconversion et pas uniquement aux élèves orientés après la Troisième. Nous accueillons actuellement un apprenant qui était cordiste, tandis qu’un autre vient de la pâtisserie. Ils vont suivre une formation en alternance sur deux ans en CDI, avec cursus théorique, pratique et général (anglais, histoire de l’art…). Les matières générales sont enseignées par mon épouse, je m’occupe de toute la partie théorique et mon chef d’atelier adjoint de la partie pratique.

Vos deux fils ont récemment rejoint l’entreprise, pour quoi faire ?

Thibault, mon fils cadet, a fait un master de droit des affaires et a pensé qu’il pourrait apporter quelque chose à la société. Il a ensuite poursuivi un MBA de juriste d’entreprise en alternance au sein de l’entreprise. Son frère aîné nous a rejoints en octobre 2020 pour s’occuper de la partie vente directe et de l’export, après une école de commerce et une expérience de six ans à l’export. Il s’était donné le temps de se faire son expérience ailleurs en tant que responsable logistique achat avant de rejoindre l’entreprise pour la développer. Mes enfants sont là pour reprendre le flambeau.

Quel est le type de clientèle qui s’adresse à vous ?

Nous avons une clientèle de plus en plus tournée vers l’export (entre 30 et 40 %). Nous ne pouvons plus nous contenter du marché domestique, la demande est à l’étranger et quand il y a de la demande à Paris, ce sont des étrangers. Les grosses affaires sont toutes en export : Japon, Chine, USA, Londres… ou encore Djeddah, où nous avons envoyé quatre containers, contenant plus de 200 k euros de staff. Nous travaillons toujours directement chez le client. Les intermédiaires donneurs d’ordre sont des décorateurs. Nous ne voyageons que pour aller poser, sinon, nous envoyons nos marchandises en fret.

Êtes-vous confiant pour l’avenir du staff ?

Depuis 4 ou 5 ans, je constate à nouveau un véritable engouement pour les moulures et les panneaux décoratifs. Notre histoire est un éternel recommencement. Les gens reviennent sur des choses plus classiques, comme le Haussmannien. Ils ont raison, sous Haussmann, il y avait des gens d’un talent extraordinaire ! Il y a aussi des problématiques environnementales, qui vont favoriser le staff dans les années à venir.

Beaucoup de clients, et non des moindres, nous demandent si les résines créent des problèmes environnementaux. Nous menons actuellement une réflexion importante pour trouver un produit substituable. Pour l’instant, il n’y a rien d’équivalent au staff, qui est un produit 100 % naturel, inerte et plein d’avantages. Cette sensibilité est importante au niveau de la clientèle et fait partie des challenges de demain.

Repères

Statut Auberlet & Laurent

Activité Staffeur fabricant

Création 1873

Localisation Saint-Maur des Fossés (Val-de-Marne)

Atelier de fabrication Château-Thierry (Aisne)

Président Thierry Lebufnoir, 60 ans

Effectif 30 personnes (15 à l’atelier, 6 ou 7 au gros oeuvre et le reste en administratif, manutention/chauffeur)

CA 2019 2,8 M€

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