Covid-19 et travailleurs intérimaires : quelles sont les obligations des entreprises ?
Pouvoirs publics et partenaires sociaux ont récemment élaboré des outils pour mieux protéger les personnels intérimaires contre la Covid-19. Les obligations des entreprises utilisatrices sont ainsi clarifiées.

En mars 2020, le décès d’un intérimaire en mission au hub FedEx de Roissy suscite l’émoi. Dans ce contexte, le ministère du Travail a diffusé le 28 avril 2020 une fiche métier dédiée au traitement du  » risque Covid  » dans le secteur de l’intérim, suivie le lendemain d’une  » décision paritaire  » et de deux  » fiches de liaisons  » adoptées par les partenaires sociaux de la branche.

Au menu :  » questionnement  » des entreprises utilisatrices par les entreprises de travail temporaire, actions de prévention, formation et information.

 » Questionner  » les entreprises pour s’assurer de la mise en place des mesures sanitaires

Ces instruments appellent les Entreprises de Travail Temporaire (ETT), en amont de la mise à disposition des intérimaires, à  » questionner  » l’Entreprise Utilisatrice (EU) pour s’assurer qu’elle a bien mis en place, après évaluation des risques, les mesures organisationnelles, collectives et individuelles permettant de garantir et d’assurer la sécurité sanitaire des travailleurs temporaires (mesures sanitaires recommandées par les pouvoirs publics, règles de distanciation, communication sur ces mesures, organisation permettent d’informer rapidement l’ETT en cas de contamination, mise à disposition/renouvellement d’équipements et moyens de protection, désinfection du matériel…).

Autant de mesures que les EU sont tenues de mettre en place pour les intérimaires qu’elles accueillent dans les mêmes conditions que pour leur propre personnel. A ce titre, on rappellera que c’est à l’EU qu’il revient de procurer aux intérimaires les équipements individuels de protection (EPI)(1) y compris, donc, les masques de protection.

La prévention au coeur de la lutte anti-Covid19

Les EU sont également invitées, tant par la  » fiche métier  » du gouvernement du 28 avril que, dans une moindre mesure, par le protocole sanitaire national applicable au 1er septembre 2020, à échanger avec l’intérimaire pour l’informer des modes de propagation du virus et des mesures de prévention (les  » fiches métiers  » du secteur du travail temporaire et de celui dans lequel il intervient dans le cadre de sa mission devront donc a minima lui être communiquées).

L’employeur doit également lui rappeler régulièrement ces mesures de prévention, s’assurer de leur suivi, lui indiquer l’emplacement des points d’eau / gels hydroalcooliques pour se laver les mains, l’informer des coordonnées du service de santé au travail et de l’éventuel référent Covid en place.

Enfin, il faut dispenser une formation à la personne chargée d’accueillir l’intérimaire, quant aux mesures sanitaires générales et particulières à observer. L’intérimaire lui-même doit être formé sur l’utilisation des EPI et vêtements de travail (comment les porter, les retirer, les jeter). L’EU a bien sûr intérêt à tracer et se constituer la preuve de la communication de ces informations.

Responsabilité civile et pénale de l’employeur

Les EU seront d’autant plus vigilantes à respecter ces prescriptions qu’elles émanent pour la plupart de documents (fiches métiers, protocole national) qui, si l’on pouvait jusqu’à récemment s’interroger sur leur valeur contraignante, semblent bien, au dernier état de la doctrine de l’administration et de la jurisprudence du Conseil d’Etat, faire partie d’une nouvelle catégorie d’actes obligatoires pour l’employeur(2).

Tout manquement à ces obligations peut engager la responsabilité civile voire pénale de l’EU envers l’intérimaire pour manquement à son obligation de sécurité et/ou de prévention. Pendant la durée de la mission, c’est l’EU qui est en effet comptable de la santé et de la sécurité au travail de l’intérimaire(3). Alternativement, si un intérimaire contracte la Covid alors que l’EU n’a pas respecté l’ensemble de ces recommandations, et que l’infection est reconnue comme accident du travail ou maladie professionnelle, l’EU pourrait se voir reprocher une faute inexcusable. Dans ce cas, c’est l’ETT qui devra rembourser aux organismes de sécurité sociale les indemnités complémentaires versées au salarié, mais celle-ci pourra ensuite se retourner contre l’EU(4).

Pour en savoir plus

Stéphane Bloch,membre d’ AvoSial, est Avocat associé du Cabinet Flichy Grangé Avocats au sein du Pôle  » Droit social du secteur public et droit de la fonction publique « . Doté d’une double culture publiciste-privatiste, Stéphane Bloch conseille une clientèle variée allant du grand groupe coté aux entreprises du secteur public et passant par des collectivités.

Fabien Crosnier Membre d’AvoSial, est Avocat collaborateur au sein du cabinet Flichy Grangé Avocats. Il a développé une expertise particulière dans le domaine des entreprises du secteur public et para-public et des entreprises dites  » à statut  » qu’il pratique au sein du Pôle  » Droit social du secteur public et droit de la fonction publique

(1)C. trav., art. L.4122-2 et L.1251-23 ; Cass. soc. 30 nov. 2010 n° 08-70.390

(2)en ce sens : CE 12 juin 2020, n° 418142 ; CE 29 mai 2020 n° 440452

(3)C. Trav., art. L.1251-21

(4)Cass. civ. 2, 21 juin 2006 n° 04-30.665

Commentaires

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *