Jean-Christophe Repon (Capeb) :  « L’État doit montrer l’exemple en matière de simplification administrative »
Les objectifs du plan "France Relance" ne pourront pas être atteints sans la participation active des entreprises artisanales du bâtiment. Apprentissage, Ma Prime Rénov', qualification RGE, déplafonnement des marchés publics, Jean-Christophe Repon, président de la Capeb, fait le point.

En quoi les aides gouvernementales « Ma Prime Rénov' » contribuent-elles à augmenter l’activité des artisans et entrepreneurs du bâtiment et de la construction ?

Jean-Christophe Repon : Redonner une dynamique sur la rénovation énergétique à travers ces effets d’annonce est un signal fort en direction des particuliers, afin qu’ils comprennent qu’ils peuvent bénéficier de « Ma Prime Rénov' ». Il s’agit désormais de convertir ces aides en activité pour nos entreprises artisanales, notamment en levant les freins.

Nous avons eu un élargissement de cibles éligibles à « Ma Prime Rénov' », une plus grande lisibilité au niveau de l’offre, avec la possibilité de bénéficier de la prime selon ses revenus. Les entreprises artisanales risquent d’avoir des difficultés à convaincre le particulier de l’utilité d’entrer dans cette démarche. C’est pourquoi nous attendons la grande campagne de pédagogie auprès des particuliers, propriétaires bailleurs, syndics…, qui a été annoncée. Cette opération grand public permettra de toucher un maximum de clients.

Qu’est-ce qu’a mis en place la Capeb dans les départements et au niveau national pour aider ces entreprises à profiter du plan de relance « France Relance » ?

Nous avons mis à jour les tableaux synthétiques qui permettent à l’artisan de visualiser d’un seul coup d’oeil ce qu’il peut annoncer à son client, selon son domaine d’activité. « Ma Prime Rénov » reste assez complexe pour l’entreprise artisanale et demande de consacrer un peu de temps à cette analyse. Chaque artisan devrait faire ce travail dans son entreprise.

Nous partons du principe que nos entreprises sont majoritairement compétentes. Elles ont un métier et elles travaillent dans les règles de l’art, que ce soit en matière de rénovation thermique ou de co-activité. La montée en compétences est assurée par les formations FEEBAT de la Capeb.

Nous avons oeuvré pour que de plus en plus d’artisans s’inscrivent aux formations RGE, afin qu’ils ne soient pas exclus du marché. Il faut que l’artisan, quelle que soit la taille de son entreprise, soit persuadé que la démarche est facile et lui permet d’accéder à un marché avec facturation directe. Si après cinq clients qui l’auront sollicité, il prend conscience qu’il a intérêt à devenir RGE, il va le faire.

Les artisans commencent-ils à utiliser ces aides ?

En tant que fédération professionnelle, nous ne nous fixons pas de chiffres. En revanche, nous accompagnons nos artisans pour qu’ils puissent suivre l’offre. Si l’on en croit les chiffres de « Ma Prime Rénov' » que donne la ministre de la transition écologique, ils sont en belle augmentation !

Déjà 180 000 gestes ont été enregistrés, sur les 400 000 à 500 000 gestes attendus. L’appétence semble être au rendez-vous, mais nous en sommes encore au tout début et la stabilité de l’offre est attendue tout au long de l’année. En revanche, beaucoup d’actes de rénovation n’apparaissaient pas actuellement dans le radar.

Où en est-on du recours à l’apprentissage ? Les dispositifs existants sont-ils utilisés par les artisans ?

Les artisans utilisent massivement les aides pour l’apprentissage. 80 % des apprentis sont embauchés dans des entreprises artisanales. Le recours aux apprentis a progressé de 12 % dans une période de crise Covid et de confinement, avec une alternance en visioconférence, c’est une très bonne nouvelle ! On revient doucement au niveau d’apprentissage d’avant-crise.

Pour les entreprises et TPE du bâtiment, c’est un indicateur d’importance. Cela prouve que, dès qu’on a de l’activité, les artisans se tournent vers l’apprentissage. C’est de l’emploi, de la compétence future et de la reprise d’entreprise future. Alors que la crise perdure, il serait pertinent de maintenir ces aides et de pérenniser cet effort pour continuer à aider ces artisans.

Le plan de rénovation énergétique des bâtiments va-t-il suffire à changer d’échelle sur la rénovation thermique des bâtiments publics et des logements ? Que demandez-vous aux pouvoirs publics pour accélérer cette dynamique ?

Ce n’est jamais suffisant. Mais nous avons bien vu que les différents plans mis en place par le passé n’ont rempli que partiellement leur mission. Nous espérons que celui-ci sera plus opérationnel et que le gouvernement nous écoutera vraiment quand il y aura des blocages, des freins, pour éviter les contre-performances. La massification ne passera pas par Bouygues rénovation, mais par la SARL. Il faut faire du pointillisme, car sans cela, on n’y arrivera pas.

Vous venez d’obtenir une victoire avec la qualification « chantier par chantier » dans le cadre du dispositif RGE. Pouvez-vous préciser ce que cela va changer pour les entreprises artisanales du bâtiment ?

Nous avons constaté une importante baisse du nombre d’entreprises qualifiées RGE sur l’ensemble des trois organismes qualificateurs. Pourquoi ? Parce que beaucoup d’entreprises trouvaient le processus de qualification trop contraignant pour la part de marché que cela représentait. Résultat, aujourd’hui seules 62 000 entreprises sont qualifiées RGE alors que 500 000 gestes « Ma Prime Rénov' » sont attendus, il y a une problématique !

Or, ce n’est qu’avec la totalité des entreprises compétentes que l’on pourra atteindre l’objectif fixé par le Gouvernement… Les entreprises qualifiées RGE sont listées par l’ADEME sur le réseau FAIRE, mais d’autres artisans peuvent aussi y accéder. La qualification « chantier par chantier » est essentielle, pour que les entreprises qui ne sont pas encore qualifiées ne s’interdisent pas d’y aller et pour que le particulier qui travaille depuis des années avec son artisan ne soit pas obligé d’en changer.

En sincérité, nous pensons que c’est une vraie bonne solution. Pour être qualifié RGE, il faut avoir fait trois chantiers types pour prouver sa qualification. L’expérimentation, qui a démarré le 1er janvier 2020 pour une durée de deux ans, autorise les artisans non qualifiés RGE à commencer tout de suite pour avoir leurs chantiers témoins. Nous espérons beaucoup que le processus de qualification « chantier par chantier » dynamise l’activité et soit un relais qui permette de passer la crise, quand le petit tertiaire, les commerces, restaurants et hôtels, qui sont aussi nos clients, sont susceptibles de moins investir.

En effet, nous risquons de subir, par effet domino, ce que subissent nos collègues artisans restaurateurs et commerçants.

Les aides en direction du bâtiment concernent principalement les travaux lancés par des collectivités et les travaux chez les particuliers. Comment les artisans peuvent-ils également atteindre les entreprises, les indépendants et les professions libérales eux aussi éligibles ?

À force de vouloir saucissonner le marché de la rénovation énergétique, on ne lui permet pas de décoller. La transition énergétique n’est pas la priorité d’un ménage. Pendant les confinements, les Français se sont d’abord demandé comment faire évoluer leur habitat pour vivre mieux. C’est pourquoi, nous réclamons la mise en place de la TVA à 5,5 % pour l’ensemble des travaux de rénovation, car cela permettrait d’embarquer la rénovation énergétique.

Pour l’instant, la Capeb n’a pas eu gain de cause, alors que nous restons persuadés que donner plus de pouvoir d’achat aux particuliers signifierait aussi plus d’activité et plus de chantiers pour nos entreprises.

Comment le marché se répartit-il entre travaux isolés et rénovation globale ? Les artisans sont-ils encouragés à se constituer en Groupements pour atteindre ces marchés ?

Les artisans se regroupent de manière informelle, mais il faut un interlocuteur juridique unique. Or, la loi fait peser trop de responsabilités sur les seules épaules des artisans. Dans le cadre des groupements d’entreprise momentanés, il faut revoir la loi et les décrets qui engagent la responsabilité du mandataire sur l’ensemble des corps de métier. C’est un frein majeur des artisans à engager cette démarche. Il est nécessaire que ce soit l’assurance de l’un des corps de métier qui prenne le relais en cas de défaillance d’une des entreprises engagées dans le groupement.

C’est la même problématique qui se pose dans le cadre du déplafonnement des marchés publics de gré à gré de 40 000 à 100 000 euros. La Capeb a un rôle essentiel pour conduire les artisans à travailler de plus en plus ensemble, en groupement et à être accompagnés sur le montage du dossier. Nous souhaiterions aider les artisans en externalisant la gestion administrative ou commerciale. Nos Capeb départementales ont commencé à travailler à cet accompagnement administratif, pour lequel il faudrait un financement.

Cela représente en effet des ressources humaines, avec des collaborateurs chargés de monter ces dossiers au quotidien. Pour l’instant, nous avons mis en place une expérimentation avec un groupement d’entreprises qui mandate un mandataire pour monter le dossier et le valoriser. L’artisan a le nez dans le guidon dans son activité et ses chantiers, il ne peut pas s’occuper de cela.

Si la Capeb s’occupe de monter le dossier en définissant la stratégie économique, financière et en recherchant l’ensemble des aides disponibles, cela permet de maintenir l’emploi, l’activité et d’accélérer le marché.

Quelle est la situation économique des entreprises artisanales du bâtiment aujourd’hui ?

Nous avons connu un premier trimestre 2020 dramatique et avons fini l’année avec une baisse d’activité, mais avec un maintien de l’emploi, donc de nos compétences en interne, ce qui va nous permettre de rebondir. L’apprentissage à +12 % est un signe que le carnet de commandes est suffisant pour voir à plus long terme.

À l’heure actuelle, l’activité 2021 paraît plutôt correcte. Nous voulons vraiment convertir « Ma Prime Rénov' » en activité, car les entreprises artisanales vont en avoir besoin. Dans une période de crise, c’est un potentiel d’activité qui peut nous permettre de passer 2021-2022.

Chiffres clés 2020 du bâtiment

557 306 petites entreprises du bâtiment dont 99 % ont moins de 20 salariés.

Elles emploient 651 011 salariés, soit 59 % des effectifs salariés du bâtiment.

Elles forment 56 093 apprentis, soit 77 % des apprentis du bâtiment.

Elles réalisent 86,4 Md€ de chiffre d’affaires, soit 60 % du chiffre d’affaires du bâtiment.

– 9 % d’activité globale en 2020.

+ 1,7 %, soit 15 000 emplois salariés supplémentaires dans les TPE (moins de 20 salariés) du bâtiment en 2020.

62 000 artisans qualifiés RGE (- 15 %), dont 10 000 ECO Artisans®.

Source : Faire, Ademe

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