[Interview] Xavier Forge et Thomas Chabry (Lignatech): « On a créé notre boîte pour être écolo jusqu’au bout ! »

Justement, quels sont les avantages de la construction en bois ?

D’abord, pour les planchers comme pour la structure verticale, la maison en bois est un « puits de carbone » : c’est-à-dire qu’on stocke, en construisant la maison, le CO2 de l’atmosphère qui a été absorbé au moment de la pousse des arbres. Autrement dit, on lutte contre le réchauffement climatique. Mais il faut aussi considérer que la réglementation en matière d’isolation thermique est de plus en plus sévère, notamment la norme BBC, pour « bâtiment basse consommation ». Et donc, pour respecter ces exigences, le bois est le matériau idéal !

Il est dix fois plus isolant que le béton, par exemple, et permet donc des épaisseurs bien moindres : à partir de 200mm d’isolation seulement dans une maison à ossature bois. Et il n’y a pas que la structure, autrement dit les éléments porteurs : pour ce qui est de la nature de l’isolant lui-même, nous avons choisi des panneaux Isonat, autrement dit de la laine de bois. Car évidemment, il ne serait pas très pertinent de construire en bois pour profiter des qualités écologiques de ce type de maisons, et de remplir les parois d’un isolant comme la laine de verre… Quitte à fabriquer en bois, autant que tout vienne du bois ! Ou bien d’autres matériaux écologiques, comme le chanvre par exemple, en fonction des exigences du chantier.

De plus, Isonat est une entreprise sise à Mably, dans le même département que nous. Une entreprise qui, de plus, recycle nos chutes de bois pour fabriquer ses produits. Seul le « frein vapeur » est toujours un film fabriqué en matière synthétique. On aimerait pouvoir s’en passer, mais dans l’état actuel des techniques il est indispensable pour faire une bonne barrière à l’humidité. Il existe des procédés nouveaux à base de kraft, mais ce n’est pas encore au point.

On est impatients que ça le soit, ce qui nous permettrait d’aller encore plus loin dans l’écologie ! Lignatech est une entreprise vraiment impliquée dans le vert, le local et le circuit court… Beaucoup en parlent de nos jours : nous, on le fait !

Quelles performances obtenez-vous dans les bâtiments ainsi conçus ?

Pour une maison d’environ 120 mètres carrés, vous n’aurez pas à dépenser plus de 50 à 70 euros par an en chauffage. Certes, la maison passive est un peu plus chère : un surcoût d’environ 10%. Mais le client se rattrape vite à l’usage – d’autant que le produit est aussi plus rapide à construire, trois ou quatre mois de moins qu’une maison classique. Le montage seul, dans certains cas, avec une équipe de trois à quatre poseurs, peut se réduire à une quinzaine de jours !

Ce sont aussi des habitations plus agréables, notamment parce qu’elles réagissent mieux à l’humidité : elles respirent. D’ailleurs les deux – économie de chauffage et lutte contre l’humidité – vont ensemble : une maison humide est difficile à chauffer, tandis qu’une maison aux murs « respirant » donne au contraire un ressenti complètement différent et beaucoup plus agréable.

Le client chauffe moins parce qu’il se sent bien… alors qu’on connaît tous des maisons mal conçues où l’on ne cesse de monter le chauffage en ayant l’impression de continuer à grelotter…

Mais pour vous, l’écologie n’est pas seulement une contrainte réglementaire ou une question de chauffage…

Non, sinon nous nous contenterions de faire le minimum. Or nous allons au bout de la logique. Par exemple, il serait absurde de travailler des bois importés de l’autre bout de la planète, qui auraient par conséquent pollué lors de leur transport par bateau ou par camion, alors que nous disposons de forêts quasiment sur place !

Par ailleurs, cet aspect est aussi valorisé par les pouvoirs publics locaux : nous obtenons des marchés publics probablement en partie parce que la région, les départements, les communes, savent que nous faisons travailler les filières locales. De plus en plus, on nous demande pour des bâtiments collectifs : écoles, crèches, résidences seniors ou cabinets médicaux.

C’est ainsi que nous avons obtenu des commandes de collèges (à Veauche dans la Loire, Saint-Pierre-de-Chamdieu dans le Rhône et Belley dans l’Ain) ou d’une école (à Villerest dans la Loire). Ou encore de logements de l’Office public de l’habitat à Firminy près de Saint-Étienne, qui seront raccordés au réseau de chauffage urbain, et pour lesquels l’aspect thermique était primordial, ainsi bien sûr que la provenance locale du bois de structure et de l’isolant.

Ces bâtiments seront parmi les premiers en France à atteindre un tel niveau de performance énergétique et une production de carbone aussi basse. Nous serons 15% au-delà des normes RT2012 !

Une performance qui doit être pensée dès la conception ?

Nous renvoyons toujours vers des bureaux d’étude, dont c’est le métier, mais oui, j’ai suivi une formation « concepteur de maison passive ». Côté performances, nous sommes aussi attentifs à celles de nos salariés : pour faciliter leur tâche, nous sommes par exemple en train d’acquérir un robot issu de l’industrie automobile, qui positionne les planches de notre mur « Lignapli », afin d’éviter que le salarié les manipule entièrement à la main.

La Région et l’Europe nous subventionnent à hauteur d’environ 20%, mais c’est quand même une grosse dépense : 800 à 900 k€ ! Mais on ne va pas se plaindre : l’entreprise va bien. Nous construisons désormais de Genève à Carcassonne, et jusqu’à Orléans. Et les architectes de notre département nous recommandent à leurs clients !