Un dur à cuire chez Picardie Chrome Dur
Un taux départemental de chômage parmi les plus élevés de France, une entreprise en perdition, et sept salariés qui risquaient de perdre leur emploi. Pour renverser la vapeur en pleine crise mondiale de 2008, il fallait une volonté de fer... ou plutôt de chrome.

Lorsqu’il reprend Picardie Chrome Dur en 2008, l’entreprise va mal. Étienne Henrion, qui travaille à l’époque dans une grande chaîne d’opticiens sur les Champs-Élysées, explique : « C’est clair que ce n’est pas du tout mon métier au départ, mais il s’agit tout de même d’une histoire familiale ». Car PCD est la soeur siamoise d’une autre société, fondée par son grandpère. Ce dernier fabriquait des vérins hydrauliques pour les camionsbennes ou les machines agricoles, et l’atelier d’en face s’occupait de les revêtir de chrome. « Ado, j’ai donc travaillé dans ce milieu, l’été. Alors quand j’ai su, depuis Paris, que le dirigeant prenait sa retraite… Je suis né à Amiens, il était écrit que j’y reviendrais ! »

Or dans cette région, c’était une gageure. Dans l’agglomération amiénoise, le taux de chômage avoisine les 20 % ! « Et je ne pouvais pas le savoir, mais en reprenant la société le 1er janvier 2008, juste avant la grande crise financière, je choisissais vraiment mal mon moment ! Mais ça devenait un défi, et je suis fier de l’avoir relevé », explique Étienne Henrion. Dans ces conditions, la remise à flot de PCD fait en effet figure de miracle.

« Notre génération a payé les pots cassés »

Étienne Henrion a modernisé la société de fond en comble. « Jusque dans les années 70-80, il y avait peu de normes, ou alors elles n’étaient pas respectées. Moi, il a fallu que je m’y plie, affirme-t-il. Et même si je trouve que c’est normal, car le chrome est un produit polluant, on peut dire que ça n’a pas été facile ! » Quand il la reprend, l’entreprise n’a ni traçabilité des produits, ni extracteurs efficaces pour les gaz. « Notre génération a payé les pots cassés, nous sommes à présent obligés de tout remettre à plat, raconte-t-il. Aujourd’hui, nous recyclons en interne toute l’eau de rinçage des chromes. Le reste est détruit dans les règles, en centre agréé ». S’il avait un souhait à formuler, ce serait justement que les producteurs de normes – l’administration – les aident à les respecter : « qu’on nous donne un mode d’emploi, des conseils, plutôt qu’une règle qui nous tombe dessus et avec laquelle on doit se débrouiller tout seuls ».

Car les perspectives de développement sont là. « En écoutant un club de motards du coin, je me suis rendu compte qu’ils avaient du mal à faire réparer les fourches de leurs motos anciennes, dont les pièces ne sont plus disponibles. Aujourd’hui, c’est nous qui le faisons, et grâce à internet nous avons étendu cette activité à toute la moitié nord de la France ! » Pourtant, comme les produits chimiques utilisés sont différents, il n’a pas le droit de s’occuper, par exemple, des chromes des voitures anciennes. « Alors qu’il s’agit d’un marché de luxe, très porteur. Résultat, actuellement les passionnés vont au Benelux ou en Allemagne. »

Étienne Henrion est pourtant l’un de ces entrepreneurs qui luttent pour l’emploi industriel. « Ce sont des métiers qu’on a tellement dévalorisés qu’aujourd’hui il n’y a même plus de filière de formation ! Les jeunes que je recrute pour remplacer les départs en retraite, je les forme, en alternance avec un centre qui leur donne l’équivalent d’un BEP. Polisseur, rectifieur, contrôleur, électroplasticien… avec moi, ils sauront tout faire ! » Heureusement, les efforts ne sont pas vains : des marchés commencent à revenir d’Europe de l’Est. « Nous sommes plus chers, mais les clients se sont rendu compte qu’il y avait une raison : la qualité du travail fourni« , conclut Étienne Henrion.

Repères

Raison sociale : PCD

Activité : Galvanoplastie / traitement de surfaces

Ville : Camon (Somme)

Date de création : 2008

Dirigeant : Étienne Henrion, 43 ans

Effectif : 8 personnes

CA 2018 : 500 k€

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